Les deux jeunes filles, qui ont de longues jambes minces,
Se sont assises en tailleur sur une ample couverture,
Au beau milieu de l'herbe fraîchement coupée du pré,
Elles ont l'une et l'autre de brunes chevelures soyeuses,
Et portent une jupe rouge qui arrive au-dessus du genou ;
On dirait presque des soeurs jumelles, je les observe depuis un moment,
Mais elles ne me prêtent pas du tout attention, trop occupées
Sont-elles à délirer ensemble en rigolant sans retenue ;
Elles se tiennent par la main, tendrement, tout simplement,
Et semblent s'envelopper de jolis mots affectueux ;
Elles se ressemblent, tout en étant cependant assez différentes,
Et leur présence me fascine, je me raconte que je pourrais
Sûrement les aimer l'une comme l'autre, mais les aimer seulement
En tant qu'amies, car je me rends bien compte, à présent,
Que leur lien est nettement plus intime, que ce sont des amantes ;
Leurs bouches viennent justement de se sceller en un baiser
Qui se prolonge délicieusement ; elles s'enlacent amoureusement ;
Puis soudain, m'apercevant, elles se désunissent un peu,
Puis me font signe d'approcher ; la plus hardie des deux demoiselles
Me déclare avec un enthousiasme évident : « Vous voyez, monsieur,
Elle, c'est ma chérie, ma femme, mon amie, mon amour unique ! »
La seconde l'approuve d'un sourire plus timide et rougit un peu.
« Si vous cherchiez une aventure, vous êtes bien mal tombé,
monsieur, dommage ! »
Poursuit la première, qui jure qu'elles s'aiment vraiment d'amour
Depuis qu'elles se connaissent, c'est-à-dire depuis le collège et le lycée.
Je les rassure tout aussitôt : « Mais je ne cherchais rien, croyez-moi,
C'est la vue de votre grand bonheur qui m'a rendu tout joyeux. »