Cela faisait déjà pas mal d'années qu'il travaillait comme aide de laboratoire dans cet hôpital d'une grande ville, quand il avait rencontré Dominique pour la première fois.
Il était marié depuis quinze ans, mais n'avait pas eu d'enfant ; Dominique, elle, était célibataire, mais avait une fille de cinq ans. Elle entrait alors dans sa trentième année, et il en avait douze de plus qu'elle.
Dominique travaillait comme agent de service à la consultation du service d'endocrinologie de l'hôpital ; elle faisait le ménage des locaux et aidait aussi les infirmières à sortir chaque jour les dossiers des patients pour les consultations du lendemain. Lui aussi, après avoir aidé les laborantines à préparer leurs analyses de sang, il s'occupait à la recherche et au classement des dossiers pour les médecins qui recevaient en consultations privées. Et c'est ainsi que Dominique et lui avaient fini par se retrouver très régulièrement chaque jour, en fin de matinée, dans la grande pièce où étaient entreposées les hautes armoires métalliques sur rails contenant tous les dossiers, tous bien classés par ordre alphabétique.
Au début, tous deux se contentaient de bavarder bien amicalement ; ils avaient d'ailleurs un peu le même caractère, gentil, calme et sensible, et ils s'entendaient à merveille.
Elle était blonde aux yeux bleus, assez mince, pas très grande. Il devint rapidement fou amoureux d'elle, mais hésitait à faire un geste qui pût montrer tout l'intérêt qu'il lui portait.
Sa femme, peu à peu, s'était bien aperçue qu'il avait changé : il était de plus en plus distrait, évitait de la prendre dans ses bras le soir et ne lui faisait plus guère l'amour.
Dominique occupait toutes ses pensées, et, chaque soir, il se promettait de lui avouer, le jour suivant, qu'il était épris d'elle. Mais il n'osait pas, en grand timide qu'il était, et ce fut finalement elle qui fit le premier pas.
Un mercredi, alors qu'ils étaient ensemble aux archives, elle lui fit comprendre qu'elle souhaitait l'inviter à lui rendre visite pendant le prochain week-end, parce qu'elle serait seule chez elle, ses parents devant recevoir leur petite-fille chez eux durant les deux jours.
Il accepta avec une grande joie, tout en se demandant comment il allait bien pouvoir expliquer cela à sa femme.
Par chance, celle-ci travaillait tout l'après-midi le dimanche qui suivait ; il pourrait donc se rendre tranquillement chez Dominique sans même avoir besoin de lui en parler.
Ce fut d'ailleurs exactement ce qu'il fit, et ils tombèrent aussitôt dans les bras l'un de l'autre. Et ce qui devait arriver arriva : elle l'emmena dans sa chambre, ils se dévêtirent en toute hâte et firent l'amour avec fougue sur son lit. Elle se montra experte en caresses, et ils eurent l'un comme l'autre beaucoup de plaisir. Les heures passèrent trop vite ; il leur fallut donc se séparer, car les parents de Dominique ne tarderaient pas à lui ramener sa fille, et sa femme à lui reviendrait bientôt de son travail.
Quand elle rentra, elle devina tout de suite qu'il s'était passé quelque chose ; il paraissait tellement embarrassé, il ne savait pas quoi lui dire. Ce fut elle qui l'interrogea: « Qu'as-tu fait, cet après-midi ? Tu es sorti, je suppose ? »
Il eut bien du mal à lui cacher la vérité. Il lui expliqua qu'il était allé chez Dominique, qu'elle connaissait un peu, il le savait. « Vous avez fait l'amour, bien sûr, mais c'était couru d'avance ! »
Il était éberlué de l'entendre prononcer cette phrase équivoque sans se mettre en colère le moins du monde. Puis soudain, il comprit ce qui dépassait presque l'entendement : les deux jeunes femmes avaient tout combiné, tout organisé. Elles se connaissaient bien plus intimement qu'il ne le supposait ; elles s'étaient rencontrées à plusieurs reprises, quand il allait voir son père les samedis, à cinquante kilomètres de là, et qu'il laissait sa femme seule à la maison.
Elles avaient même tellement sympathisé que sa femme avait proposé à Dominique de lui « prêter » son mari, quand elle avait compris que celle-ci était en manque d'amour et aussi de sexe. Il avait deviné également que Dominique et sa femme n'étaient pas du tout hostiles à une aventure amoureuse en trio. Il tombait des nues, il ne s'y attendait pas, mais il se laissa tenter, et ils vécurent dès lors une histoire sans doute pas très morale, mais qui les comblait tous les trois, physiquement et même sentimentalement.
Dominique était décidément une drôle de petite bonne femme, mais sa femme n'avait rien à lui envier non plus.